PARTIE 1
Introduction
En Europe, on constate une grande variété des sous-titrages des films et des émissions télévisés tant au point de vue quantitatif que qualitatif.
D'une façon générale, les pays tels que l'Allemagne, la France, l'Italie ou la Belgique francophone ont recours au doublage des films étrangers, tandis que d'autres pays, tels que la Hollande, la Belgique néerlandophone ou l'Angleterre ont choisi le sous-titrage.
Par exemple en Belgique,
- Au niveau télévisuel:
La partie néerlandophone de la Belgique sous-titre les versions originales des documents audiovisuels. Par contre, la partie francophone double ces documents. - Au niveau cinématographique:
Dans certaines salles de la partie bilingue du pays (Bruxelles-Capitale), des films présentés en version originale sont sous-titrés dans les deux langues nationales et d'autres films sont doublés en français.
Dans d'autres pays tels que la France, par exemple, les films sous-titrés sont projetés dans les salles spécialisées.
Au Québec, la partie francophone du Canada, les choses sont légèrement différentes.
- Au niveau télévisuel, 80 % des programmes sont sous-titrés par le procédé captioning.
Par contre au niveau cinématographique, les films sont doublés mais aucunement sous-titrés.
1.A) Sous-titrage codé ou en clair
Il existe deux types de sous-titrage:
- "en clair", qui est incrusté dans l'image et
- "codé", que l'on sélectionne grâce à une option par la télécommande du téléviseur.
Seul le sous-titrage codé comporte un jeux de couleurs et de positionnements différents.
En Europe, nous utilisons le système télétexte pour diffuser les sous-titrages codés.
Le télétexte est une aide précieuse pour les sourds:
- d'abord, il permet de lire les pages d'informations écrites qui sont diffusées 24h sur 24.
- puis, il permet de lire les sous-titres codés en sélectionnant la page correspondante: la page 888 (par ex. pour France Television ou RFO ) ou 777 (par ex. pour RTBF belge ou RAI italienne).
Le système télétexte présente l'avantage d'être sélectionné quand on le désire et de laisser l'image vierge de sous-titre si on ne l'utilise pas.
1.A.1) Les normes techniques
En Europe, le système télétexte permet de faire apparaître les sous-titres d'un programme, ce qu'on appelle du sous-titrage "open caption". Il suffit d'appuyer sur la touche télétexte de la télécommande et de composer le numéro 888 ou 777. A ce moment-là, le sous-titrage s'incruste dans l'image. Généralement, la disponibilité du sous-titrage codé est mentionnée avant le début d'une émission par un sigle ou une annonce écrite.
En Amérique, le système est différent. Le sous-titrage est incrusté dans la ligne 21 de la vidéo. C'est ce qu'on appelle du sous-titrage "closed caption". A l'aide de la télécommande, l'on fait apparaître les sous-titres ou non.
1.A.2) Les avantages et les inconvénients de ces deux systèmes
Le système télétexte permet de diffuser le sous-titrage en parallèle par un fichier informatique indépendant, qui est interprété par le décodeur télétexte des téléviseurs.
Si un problème de transmission survient, si infime soit-il, le sous-titrage risque de ne pas être retransmis complètement. Des lettres manqueront dans la phrase, des points d'interrogations viendront envahir l'écran ... Cette technologie ne peut fonctionner dans des conditions optimales qu'avec une distribution télévisuelle par câble.
Ce système permet aussi de sous-titrer l'émission en plusieurs langues tout simplement en utilisant une page différente pour chaque langue. (par ex: page 888; français, page 889; anglais, page 890; espagnol...). ARTE, une chaîne télévisée franco-allemande utilise déjà ce procédé. Aussi en Italie la RAI présente parfois le sous-titrage en italien à la page 777 et le sous-titrage en anglais à la page 778.
Étant donné que le sous-titrage est enregistré sur fichier informatique et envoyé en parallèle sur l'antenne, les échanges de sous-titrages entre diffuseurs sont plus difficiles à réaliser. Le sous-titrage est toujours séparé de sa bande maîtresse. Ce qui est en train d’évoluer grâce à la technologie mise en œuvre par la société Screen subtitling company et répercuté en préparation par la société Ninsight en France. En effet, leur système permet d’enregistrer le Teletext dans les lignes de la vidéo et d’opérer un transfert au dernier moment par l’utilisation d’un pont de données.
Par contre, la norme 21 en Amérique permet un sous-titrage incrusté dans la cassette de l'émission. Cela rend les échanges de sous-titres codés entre diffuseurs plus aisés puisque inclus dans le support du programme.
Malheureusement, ce système ne permet pas d'obtenir plusieurs langues sous-titrées à la réception. On peut tout au plus l'obtenir en deux langues grâce à un procédé qui permet de lire deux champs, l'un en anglais et l'autre en français, par exemple.
1.B) Les méthodes de sous-titrage
Il existe deux méthodes de sous-titrage:
- le positionnement ("pop on") et
- le déroulement ("roll up").
Le pop on permet de positionner le sous-titre (32 caractères par ligne) sur l'écran, à un endroit choisi par l'encadreur selon l'emplacement du personnage à l'écran. C'est sans doute la technique la plus difficile pour l'encodage des sous-titres car elle implique un travail de rédaction du texte originel (épuration du texte, couleurs, positionnements, ...). En contrepartie, le pop on est plus intéressant pour la personne à qui s'adressent les sous-titres grâce au respect du temps de lecture octroyé et l'adaptation des sous-titres pour une meilleure interprétation des scènes.
Le pop on est la méthode utilisée en Europe pour le sous-titrage en différé. En plus, par ex. le journal télévisé flamand en Belgique utilise cette technique aussi pour les informations en directe, malgré les difficultés qu'elle implique… Egalement il est fait par France Television et par la RAI italienne.
Le roll up, lui, est une technique essentiellement utilisée au Québec pour sous-titrer les documentaires, les émissions d'information et certaines émissions pour les jeunes. Le sous-titre, au lieu d'apparaître et de disparaître successivement, défile sur trois lignes, de bas en haut, en bas de l'écran, ou sur deux lignes, en haut de l'écran. Pour le déroulement continu, tous les sous-titres sont justifiés à gauche.
En Europe, cette méthode est fort critiquée pour des raisons de timing et de rédaction. Cependant, la BBC l'utilise depuis des années pour sous-titrer les informations en direct.
1.B.1) Le sous-titrage en direct ou en différé
Le sous-titrage se prépare de deux manières différentes selon que le programme est "en direct" ou "en différé".
Lors de la préparation des programmes en différé, il est possible d'y ajouter des informations supplémentaires, de rédiger de manière plus claire et même d'y intégrer des codes couleurs.
Beaucoup de programmes, de nos jours, sont diffusés en direct tels que le journal télévisé ou encore les événements sportifs. Quand les émissions sont transmises en direct, pour bien faire, les sous-titrages doivent l'être aussi. Il serait mal venu de sous-titrer le journal le lendemain de sa diffusion.
La vitesse des utilisateurs des claviers Qwerty et Azerty dont nous disposions jusqu'à présent était trop limité pour sous-titrer les émissions en direct. Le flot normal de la parole oscille entre 120 et 180 mots à la minute. Avec les procédés traditionnels, on ne peut retranscrire que plus ou moins 50 mots à la minute. Un retard important sur la parole est à noter et les erreurs de retranscriptions sont courantes.
La télévision publique flamande utilise le clavier azerty pour la retranscription du journal télévisé. Beaucoup de reportages sont préparés à l'avance et le journaliste a la possibilité d'envoyer ses écrits, via un réseau informatique interne, au service du télétexte, qui ainsi peut préparer les sous-titres en temps utile.
Lors d'une transcription simultanée, nécessaire pour les services de dernière minute, cela devient un peu plus ardu. Une personne intermédiaire simplifie ou résume les paroles transmises sur antenne. Une autre s'occupe d'encoder le résumé ou la simplification de façon simultanée.
Certains sourds ou malentendants n'aiment pas cette transcription simultanée parce qu'elle résume ce qui a été dit, ils sont frustrés de ne pas recevoir les mêmes informations que toute autre personne. Cette méthode ne permet pas, non plus, l'ajout des codes couleurs ou autres pour une meilleure compréhension des dialogues et des commentaires.
1.B.2) La Sténotypie
Une technique permet cependant de sous-titrer en langue française et en direct: la sténotypie ou la transcription assistée par ordinateur. Copiée d'une méthode utilisée pour l'anglais, la sténotypie permet le sous-titrage simultané des conférences, des réunions et des programmes télévisuels.
Ce procédé permet à une sténotypiste de transcrire les sons en temps réel par le biais de codes phonétiques, qui sont automatiquement traduits par l'ordinateur en texte en clair à l'écran. Ainsi le sous-titreur augmente sa vitesse de travail de 30 à 70 % selon les programmes. Ce système a été mis au point par la société "Grandjean" en France et le centre scientifique "IBM-FRANCE".
Le matériel nécessaire pour la production comprend:
- un micro-ordinateur avec un traitement de texte manipulé par une personne dont la frappe est rapide;
- un boîtier "Logistène", accolé au sténotype, qui stocke jusqu'à 15h de discours;
- un dictionnaire sténo/français et de syntaxe qui corrige les fautes apparaissant à l'écran.
Les inconvénients de ce système:
- ce système demande au lecteur une bonne maîtrise du français ainsi que la capacité de lire les sous-titres rapidement. Il permet toutefois aux spectateurs handicapés de la communication de suivre en direct les informations qui sont divulguées.
Les malentendants et les devenus sourds, proches de la langue orale, peuvent suivre en général ce débit. Par contre, pour d'autres, dont l'acquis du français oral et écrit est moins évolué, ce système est moins adapté. - Le nombre de lettres de l'alphabet se chiffre à 26 tandis que les codes phonétiques sont au nombre de 21. De ce fait, beaucoup de mots sont encore mal retranscrits. Cela crée évidemment des confusions lorsque deux mots se prononcent de la même manière.
Prenons l'exemple de "lait" ou "laid". Ce sont deux mots de sens très différents pour une même prononciation. Un logiciel a été créé pour enlever ces ambiguïtés. Au début, il présentait des problèmes mais à présent on peut dire qu'il est pratiquement au point.
La sténotypie s'est développée d'abord dans les pays anglophones, car la syntaxe de la langue est plus simple. La complexité de la langue française ne facilite pas les transcriptions phonétiques. Une correction reste néanmoins nécessaire, mais le direct ne permet pas les retouches. - Autre inconvénient, lorsqu'on visionne un programme sous-titré par sténotypie, on constate que les sous-titres prennent une grande place dans l'image et cachent parfois des éléments essentiels. Ceci est lié au fait que le débit de la parole dans certains cas contraint le sténotypiste à sous-titrer sur 3 voire 4 lignes.
Il n'est pas agréable non plus de regarder la télévision en ayant un tiers de l'image couvert par le texte. La lecture demande déjà un effort intellectuel en soi. Une transcription littérale est encore plus éprouvante. - Le dernier problème auquel on est confronté concerne la formation des sous-titreurs à ce genre de tâche. L'apprentissage de cette technique pourrait s'étendre jusqu'à six mois minimum. Un investissement qui, dès lors est très cher.
On a longtemps cru que la sténotypie était la seule solution viable pour sous-titrer en direct en langue française. Mais une autre technique existe et je vous propose de la découvrir dans le point suivant concernant la reconnaissance vocale.
1.B.3) La reconnaissance vocale
Un autre système de transcription instantanée se développe pour le moment: la reconnaissance vocale par ordinateur. Il suffirait de parler dans un petit émetteur lié à un ordinateur. Celui-ci reconnaîtrait les mots et les retranscrirait par écrit de façon automatique et immédiate.
Le projet VOICE a mis en évidence les avantages et les contraintes de ce procédé. Étant donné que les logiciels de reconnaissance vocale sont très bien décrits dans le projet précité, je propose de passer les détails techniques pour nous limiter à l'utilisation du matériel dans le cas qui nous occupe.
L'utilisation de ce système ne requiert aucune formation spécifique à la base. Il permet de limiter le temps de préparation et d'encodage des sous-titres et aussi de sous-titrer en direct.
Pour cela, quelques restrictions sont à noter. Les erreurs qui surviennent encore pour le moment sont-elles acceptables ou non pour la diffusion des sous-titres? Les accents seront-ils tous répertoriés et est-ce que les bruits de fond ne perturberont pas les commentaires ou les interviews des intervenants?
Il semble qu'au début ce procédé peut être utilisé, à titre de test, pour des transmissions en direct qui impliquent une répétition des termes et avec un ou deux commentateurs. Exemple: les événements sportifs tels les matches de football.
Cette méthode est également appelée le Perroquet. Notre équipe fut la premiére à le mettre en oeuvre avec TF1 sur le Journal télévisé en 2006.
PARTIE 2
2.A) État des lieux en Europe
En Angleterre, 80 % des émissions sont sous-titrées. En Belgique francophone, 5 %, tandis qu'en Belgique néerlandophone, 55%.
A titre de référence, l'un des pays qui présente le plus de programmes sous-titrés au niveau francophone est le Québec: plus de 80 %. Au niveau anglophone, les États-Unis, 100 % des programmes sont sous-titrés.
Lors de notre recherche sur le développement du sous-titrage en Europe, nous avons découvert que l'Irlande avait déjà fait un travail de prospection dans ce domaine. Cette prospection ne touche pas tous les aspects que nous souhaitons développer, mais dresse tout de même un tableau général de l'existence du sous-titrage auprès des télédiffuseurs.
Lorsque nous regardons les graphiques en annexe, nous constatons que certains pays, tels l'Autriche, la France, l'Angleterre ou en encore la République Tchèque, ont édicté des lois qui obligent les télédiffuseurs à sous-titrer un certain pourcentage de leurs programmes.
Par contre d'autres pays comme la Belgique néerlandophone, le Danemark ou encore la Suède affichent la volonté de sous-titrer un quota important d'émissions. La langue y étant parlée par une minorité de personnes, la partie néerlandophone de la Belgique a acquis une culture du sous-titrage depuis des années. Il est clair que le sous-titrage de traduction présente une solution moins onéreuse pour les minorités que le doublage. De même, le sous-titrage s'impose pour favoriser les échanges entre les différents pays scandinaves.
Evidemment, les chaînes publiques sous-titrent, dans le cadre de leur mission de service public, un nombre d'émissions supérieur à celui du privé. Les chaînes publiques sont logiquement plus sensibles à ce genre de démarche.
La loi anglaise prévoyait, pour 2002, le sous-titrage de 80% de ses émissions. L’objectif est déjà atteint en l’an 2000. En 1998, 50 % de ses programmes étaient sous-titrés. Donc, en 4 ans, elle réalise une augmentation de 30 %.
Nous constatons aussi l'arrivée du digital qui permettra de sous-titrer plus facilement avec des logiciels et des diffusions numériques. Les Anglais ont pris cette évolution en compte pour la définition des futures normes.
Parmi les programmes sous-titrés que l'on propose, les programmes d'informations sont les plus sous-titrés. Cela prouve l'importance et l'intérêt des spectateurs pour l'information. Le choix est, naturellement, fait en fonction de l'intérêt direct des spectateurs.
Et pourtant les bulletins d'informations sont les programmes les plus difficiles à sous-titrer qualitativement. Le direct pose des problèmes énormes que la technologie moderne, que ce soit la sténotypie ou la reconnaissance vocale, tente de résoudre rapidement.
Nous constatons également que les programmes d'éducation et de films pour enfants sont très demandés. C'est en ce sens que l'adaptation du sous-titrage doit évoluer en général.